Communication praticien patient en prothèse complète

par | Sep 13, 2013 | Communication praticien patient | 0 commentaires

Communication praticien patient

Communication : comment optimiser la relation praticien- patient en prothèse complète

Champ d'action de la relation à partir du patient

L’

édenté total est un individu particulièrement vulnérable ; les modifications lentes mais inéluctables de son apparence physique (affaissement des plis du visage avec accentuation des rides, diminution du tonus musculaire, reliefs parfois très résorbés de ses maxillaires) font de lui un véritable infirme [1] (fig. 1). En venant consulter, il imagine qu’une prothèse restituera ad integrum ses capacités masticatoires, phonétiques, l’harmonie de son visage, de son sourire et sa jeunesse perdue. Le praticien sur lequel il a jeté son dévolu va être jugé apte à réaliser ce miracle. Déjouer ce type d’espérance est pour le praticien une nécessité absolue, « borner ses espoirs »[2], un devoir.
Si la communication est importante dans la vie quotidienne, elle est fondamentale dans le domaine de la santé où nous sommes confrontés à des sujets qui présentent une souffrance physique, psychologique et sociale. Combien de prothèses clinique ment tout juste acceptables sont elles merveilleusement tolérées alors que d’autres techniquement irréprochables ne sont jamais réellement supportées I II est important de se rendre compte que les reproches n’apparaîtront qu’après la mise en bouche. Pendant toute la phase de réalisation prothétique, le patient est dans l’expectative, sans exigences palpables. Aussi, une écoute insuffisante ou dilettante du praticien envers son patient ainsi qu’une absence de prise en compte de ses allusions, aboutissent-elles parfois à une mauvaise perception des exigences et nuit à l’harmonie de la relation. Plus inconscient, le praticien doit tenter de deviner le « non-dit » du patient qui correspond à ses pensées inavouées. Enfin, l’utilisation abusive de termes trop techniques incompréhensibles pour un profane, loin de le rassurer, aboutit à des doléances sans fin que le praticien ne parvient plus à gérer. C’est notre compétence à assurer une relation de confiance claire et approfondie qui va déterminer, aux yeux de nos patients, notre compétence professionnelle.affaissement des plis du visage avec accentuation des rides, diminution du tonus musculaire
Aussi, l’analyse de notre comportement peut-elle nous permettre de mieux gérer cette part capitale de notre travail que représente la prise en charge psychologique du patient dans le succès de la thérapeutique prothétique. Pour qu’une relation humaine riche puisse s’établir entre individus [3, 4], il faut : – savoir se connaître : ainsi, l’adage « connais-toi, toi-même » de Socrate est-il de toute première importance, sous le double aspect de notre personnalité, de l’image que nous souhaitons donner à l’autre et sur celle qui est véritablement perçue ; – adapter son comportement par rapport à la perception que l’on a de l’autre. La relation s’établit à deux niveaux : – ce qui se ressent, ce qui s’éprouve : c’est la communication non verbale ; – ce qui se dit, l’information échangée : c’est la communication verbale.

La communication non verbale

« La communication non verbale est l’ensemble des moyens d’échanges entre les individus vivants n’usant pas du langage humain en tant que lin-guistique verbale. On y regroupe toutes les attitudes gestuelles, posturales, faciales et vocales. Le corps tout entier peut participer à cette expression. » [3] Le non-verbal prime toujours sur le verbal même si notre société prétend ignorer ce fait. Le toucher constitue une voie privilégiée de la communication non verbale. Les réactions au toucher peuvent être perçues avec de grandes variations selon le sujet et au cours de différentes situations. La poignée de main échangée, signe qu’une relation affective positive s’engage, qu’elle soit franche, hésitante ou absente au moment de l’accueil, nous renseigne d’emblée sur les dispositions du patient à communiquer [5]. Par ailleurs, des gestes brusques, crispés, transmettent au patient les tensions du praticien, d’autant plus gênantes qu’elles sont inaccessibles au regard. À l’opposé, un geste calme et plein d’assu¬rance le décontracte et améliore le climat de confiance. La posture La posture est définie par Corraze comme « la position d’un élément du corps par rapport au reste du corps et par rapport à d’autres corps » [3]. Les informations posturales sont d’une singulière importance dans les rapports d’apaisement, d’agression ou de soumission passive. L’attitude posturale du patient dans la salle d’attente (prostrée ou épanouie), l’endroit où il s’installe (dos au mur ou face à la porte) [5] et son état d’esprit (agacé ou indifférent à un retard) nous livrent déjà des informations sur ses prédispositions envers nous et sur nos relations futures. Déléguer l’accueil du patient à l’assistante peut nous priver de précieux renseignements. Au cours de la première consultation, les premiers échanges destinés à établir l’anamnèse du sujet et à tenter de déceler ses aspirations seront entrepris au bureau, permettant ainsi de respecter « une distance sociale » (entre 1,20 et 3,70 m), barrière de protection inconsciente derrière laquelle le sujet peut se retrancher pour éviter toute agression directe [5]. Puis, l’examen clinique se poursuit au fauteuil. Afin de préparer le patient à un contact étroit et répété dans sa cavité buccale, il faut élaborer un stratagème pour, nous permettre de franchir cette barrière et pénétrer « l’espace intime » du sujet. Cette distance intime (entre 15 et 45 cm) est une zone qui s’accompagne d’une grande implication physique et d’un échange sensoriel élevé (fig. 2a). À ce stade, toucher et posture se superposent. Toucher son bras et exercer une pression symétrique sur les épaules en mettant un champ opératoire sont des gestes d’approche naturels. Il faut veiller cependant à ne jamais choquer. Enfin, au cours des soins, nos patients ont tous leurs sens en éveil (odorat, goût, ouïe, vue…). Toutes ces sensations interagissent entre elles (fig. 2b et c). La relation est donc extrêmement complexe (fig. 2d). De plus, les patients subissent une soumission passive [6-8] (ils sont couchés, bouche entrouverte) pendant que nous exerçons une domination active : nos mains pénètrent leur sphère orale, tête face à eux, corps incliné vers l’avant [3, 7, 9, 10]. La possibilité offerte de modifier à souhait l’inclinaison du patient sur le fauteuil doit être effectuée progressivement, en douceur, sous peine d’accentuer un sentiment d’agression [5]. La relation d’amitié, qu’aura su créer le praticien avec son patient, revêt ici toute son importance. La face La face est la zone privilégiée de l’expression de nos émotions que nous sommes à même de maîtriser parfaitement. Il est en effet possible de sourire sans pour autant ressentir aucun contentement. Le sourire a cependant une valeur de rapprochement sincère, il est le gage d’une relation affective positive et son impact social est reconnu. Ahrens (cité par Corraze [3]) prétend, en 1954, que « le sourire, en réponse à un visage humain, est d’abord déclenché par le regard ».
Facteurs extérieurs Champ d'action de la relation à partir du patient
fig. 2a – Facteurs extérieurs intervenant dans la relation non verbale. Le toucher est la voie privilégiée de cette relation. fig. 2b – Champ d’action de la relation à partir du patient.
Champ d'action de la relation à partir du praticien Complexité de la relation par interaction de toutes les sensations
fig. 2c – Champ d’action de la relation à partir du praticien. fig. 26 – Complexité de la relation par interaction de toutes les sensations.
Le regard Le regard est un puissant révélateur de la personnalité et peut nous donner de précieuses indications : – un regard fuyant dénote une personnalité peu franche, peu confiante et peu apte à la communication ; – un regard qui fixe trop celui de son interlocuteur est déstabilisant et laisse transparaître une personnalité tourmentée. Le regard se superpose aux expressions faciales. Au fauteuil, la distance entre les yeux du praticien et ceux de son patient est de 30 cm environ, distance qui permet la meilleure focalisation [3], mais le praticien se situe alors dans l’espace intime du patient. Gare aux mimiques incontrôlées qui peuvent montrer notre énervement ou notre inquiétude. Notre regard doit exprimer bienveillance et compréhension à tous les stades de la thérapeutique prothétique.

Influences extérieures multiples agissant sur la personnalité de l'individu fig. 3 – Influences extérieures multiples agissant sur la personnalité de l’individu.

Champ de conscience de l'individufig. 4 – Champ de conscience de l’individu.

Ainsi, dans notre profession, les communications non verbales tiennent une place de choix. Elles s’intégrent, se superposent et se substituent au langage surtout dans les moments où l’immobilité du corps exigée par le geste technique rend l’expression verbale impossible, la respiration et la déglutition difficiles [9, 10]. Nous communiquons donc autant, voire davantage avec notre corps que par les paroles que nous prononçons. La communication verbale: L’expression verbale constitue un authentique pouvoir. L’essentiel de la communication se traduit par l’expression d’un message (parlé, écrit, visuel ou sonore) projeté vers l’autre et indissociable de notre vécu socioculturel et psychologique. Chaque individu, en effet, subit tout au long de sa vie de multiples influences qui forgent et modifient sa personnalité (fig. 3). Ainsi, s’établit le champ de conscience de chaque individu (fig. 4). Il faut reconnaître que nous sommes inégaux dans la façon dont nous réagissons face à une situation simple, voire face à une succession de situations simples, dites évolutives. Le message n’est pas intégré à la même vitesse suivant le sujet, son vécu, son âge, son milieu socioculturel, ses capacités d’adaptation (fig. 5 et 6).
Face à une situation simple, les capacités d'adaptation sont très différentes d'un individu à l'autre Les capacités d'adaptation tout au long de l'acte prothétique peuvent varier chez un même individu
fig. 5 – Face à une situation simple, les capacités d’adaptation sont très différentes d’un individu à l’autre. Plus le patient mettra du temps à décoder l’information, moins il aura de temps pour l’intégrer. Ses capacités d’adaptation s’en trouvent diminuées. fig. 6 – Les capacités d’adaptation tout au long de l’acte prothétique peuvent varier chez un même individu.
Il est capital de prendre le temps de reconnaître à quel type d’individu nous avons à faire. Les données de morphopsychologie [11] et les attitudes non verbales développées par le sujet peuvent nous procurer de précieux renseignements, car le comportement du sujet aura une influence permanente sur le déroulement des soins et sur ses aptitudes à communiquer. L’examen clinique, la réalisation, l’insertion de la prothèse complète en bouche et les séances de maintenance post-prothétiques demandent au praticien un équilibre subtil entre ses compétences cliniques, une grande disponibilité d’écoute, beaucoup de psychologie et le respect d’une certaine distance professionnelle alliée à une certaine fermeté.

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Thierry supplie

Par : Thierry Supplie

Prothésiste de R. DEVIN. Réalisation des prothèses totales pour le service de prothèse complète de Paris VII - Hôpital Albert Chenevier à Créteil. Assistant en prothèse totale au sein de la Faculté Dentaire de Garancière Paris V dans le service du Professeur LEJOYEUX – dirigé par le Professeur Roger GOUMY. Réalisations de travaux de prothèses pour la Pitié Salpêtrière pour des patients après chirurgie tumorales. Correcteur d’examen BTM pour la Chambre des Métiers de Paris. Rédaction du Référentiel Qualité de l’UNPPD Conférence à la Faculté Dentaire de Moscou avec le concours de la CCIP et la participation de Hugues BORY Conférence durant le congrès dentaire Dentiste Expo 2019 au palais des expositions porte de Versailles. Formateur DPC avec mise en place de formations.

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