La prothèse complète immédiate :
une entité clinique, mais différentes approches
l’appellation même de la prothèse complète immédiate est sujette à discussion. En effet, la prothèse dite immediate complété denture se définit comme une prothèse conçue pour remplacer les dernières dents devant être extraites et insérée immédiatement après les avulsions. Cependant, elle ne doit être confondue ni avec une prothèse de transition (sur laquelle des dents peuvent être ajoutées au fur et à mesure de l’avulsion des dents restantes) ni avec une prothèse temporaire, également insérée après les extractions dentaires, mais de conception différente, toutes deux plus simples et destinées à répondre à une urgence esthétique, fonctionnelle et à permettre une adaptation progressive au port d’une prothèse amovible. Dans ces situations, une prothèse complète conventionnelle est envisagée à plus ou moins court terme [1]. La prothèse complète immédiate est, en effet, une prothèse définitive qui répond à des étapes de réalisation techniques, rigoureuses et parfaitement définies. Ce type de prothèse comporte tous les facteurs de réussite d’une prothèse définitive grâce à : des techniques d’empreintes adaptées aux conditions cliniques ; un rétablissement de rapports occlusaux stables selon un schéma de type bilatéralement équilibré ; un montage des dents antérieures prenant en considération l’esthétique des dents naturelles restantes [2-4]. Ses avantages sont donc nombreux et justifient l’intérêt de cette technique particulière. Après les extractions des dernières dents, l’insertion Immédiate de cette prothèse constitue un réel pansement qui permet l’organisation du caillot sanguin, contient l’œdème postopératoire, mais surtout assure la protection du site d’extraction de tout trauma lié à la langue, aux dents antagonistes ou encore au bol alimentaire. Ainsi, le caillot sanguin protégé, une cicatrisation plus rapide va intervenir. Grâce à cette prothèse, le patient retrouve non seulement une mastication et une déglutition satisfaisantes, mais aussi une phonation optimale. De même, l’insertion immédiate de la prothèse assure un soutien immédiat des organes paraprothétiques, et plus particulièrement des joues et des lèvres. Leur position et leur tonicité sont préservées et les extrados pathétiques, de par leurs formes et volumes prennent simplement le relais des unités dentaires. Psychologiquement, cette étape de l’édentation totale reste difficile à franchir pour les patients. Elle signe une atteinte à l’intégrité corporelle, un handicap physique [5]. La perte des dernières dents est aussi, pour les patients, une marque de vieillissement et de déchéance. L’insertion immédiate de la prothèse apporte, pour de nombreux patients, un confort et un soulagement non négligeable [6]. À aucun instant, ils n’apparaissent aux yeux de l’extérieur privés de leurs dents, la mise en place d’une prothèse immédiate venant masquer cet état. L’intégration prothétique est facilitée et l’attachement du patient à sa prothèse complète révélera plus tard l’incidence psychologique essentielle de ce type de traitement. Techniquement, les avantages de la prothèse complète immédiate sont aussi nombreux. Elle permet la conservation et la reproduction d’un certain nombre d’informations acquises au stade préextractionnel, dénommées documents préextractionnels après analyse de leur valeur respective. La notion de valeur clinique de ces documents est très importante, en particulier au regard des deux paramètres que sont l’occlusion de relation centrée et ïa dimension verticale d’occlusion. En effet, selon le type d’édentement, les dents restantes peuvent maintenir la dimension verticale, maïs en totale dysharmonie avec ¡’occlusion de relation centrée en raison des différentes malpositions affectant généralement les dents» L’analyse occlusale, sur articulateur, au stade du diagnostic permet, dans un premier temps, d’évaluer ces deux facteurs et, dans un deuxième temps, d’établir une approche thérapeutique occlusale faisant appel à des meulages ou à des extractions des dents postérieures en fortes malpositions. Par ailleurs, le choix et le montage des dents antérieures visent à reproduire l’organisation et l’aspect des dents naturelles en accord avec ces mêmes documents préextraction- nels. Pour cela, la modification de forme des dents, les techniques de maquillage, la finition des collets et le maquillage de la fausse gencive nous permettent de rétablir une similitude d’état. Néanmoins, doit on toujours reproduire l’état existant [3](fig. 1) ? La décision incombe essentiellement au patient, après explication par le praticien des avantages et limites de chacune des approches. Enfin, l’incidence biologique de l’insertion d’une prothèse immédiate sur le comportement osseux et les phénomènes de remodelages qui en découlent demeurent un sujet essentiel, même si cette approche est différemment appréciée. De multiples facteurs locaux, mais aussi régionaux et systémiques sont impliqués dans l’évolution des structures osseuses, supports de la prothèse immédiate. Ils sont les garants de la pérennité du traitement prothétique. L’âge et le sexe sont notamment deux facteurs primordiaux. Ils ont une incidence capitale sur la nature des structures osseuses ainsi que sur la fixation calcique et le niveau du métabolisme concerné, en particulier en présence d’ostéoporose. L’établissement du plan de traitement et l’approche thérapeutique adoptée auront toujours comme principal souci la préservation de l’intégrité tissulaire et, au premier plan, le maintien de la crête alvéolaire. Face à ces différentes controverses, la réponse thérapeutique est triple : la prothèse complète immédiate supra radiculaire, la prothèse immédiate associée à de simples extractions, la prothèse immédiate associée à une chirurgie osseuse. Chacune d’elles sera décrite et les indications respectives présentées. Une analyse critique des techniques par rapport à leur incidence sur le capital osseux permettra au praticien de dégager les meilleurs indications thérapeutiques.Différentes approches en prothèse immédiate
La prothèse immédiate supraradiculaire
La réalisation d’une prothèse complète immédiate n’est pas toujours synonyme d’édentation totale. La conservation sous-prothétique de racines dentaires peut être envisagée dans un certain nombre de cas cliniques.Objectifs [7]
L’objectif principal de la conservation de racines sous-prothétiques demeure le maintien de l’intégrité de la crête osseuse et la prévention des phénomènes de résorption associés aux avulsions dentaires. La stabilité prothétique et indirectement la rétention sont améliorées. Cette option thérapeutique assure également le maintien des capacités proprioceptives qui assurent une meilleure perception occlusale et, par la même, un contrôle neuro-musculaire supérieur des fonctions masticatoires.Indications – Contre-indications
Les avantages de cette approche thérapeutique sont tels que la conservation du plus grand nombre possible de racines sous-prothétiques devrait être indiquée. Mais face à cette attitude, un certain nombre de contre-indications d’ordre général, loco-régional et local existent.• Contre-indications générales
Ce sont :
- des antécédents d’endocardite infectieuse ;
- une infection pulmonaire ;
- un traitement prothétique préalable à des séances de radiothérapie… ;
- une motivation du patient insuffisante vis à vis de cette approche thérapeutique.
Contre indications loco régionales
Les crêtes alvéolaires hypertrophiques avec une morphologie en balcon créant de fortes contre dé pouilles constituent un indice négatif vis à vis de la réalisation prothétique.Contre-indications locales
Elles sont en rapport avec les valeurs extrinsèques et intrinsèques des dents restantes :
- valeur extrinsèque défavorable liée à leur situation et à leurs malpositions ;
- valeur intrinsèque : mobilité, atteintes parodontales, pertes osseuses verticales, foyers infectieux apicaux non traitables, traitement endodontique impossible.
Réalisation pratique
Lorsque la conservation de racines sous-prothétiques est décidée, la première étape du traitement (en dehors de l’extraction des dents postérieures perdues) réside en un assainissement parodontal soigneux, de type détartrage surfaçage radiculaire, suivi des traitements endodontiques. La résolution de problèmes inflammatoires intervient ainsi avant la réalisation des empreintes. Puis, suivent les séances d’empreintes, la mise en articulateur et l’essayage fonctionnel qui restent inchangés. En revanche, le montage des dents prothétiques requiert la « section » des dents restantes sur le modèle. Après avoir pris une clef des bords libres et des faces vestibulaires, les dents sont sectionnées au niveau juxtagingival. Cette élimination coronaire facilite le montage des dents prothétiques qui doivent se placer à l’aplomb des racines sous-jacentes. Les dents sont ensuite mises en place à l’aide de la clef et les cires englobant le rempart vestibulaire sont finies. Une fausse gencive d’une épaisseur minimale mais suffisante doit exister. Après polymérisation de la prothèse le jour de la pose, les dents seront sectionnées dans la cavité buccale à la turbine et réduites au niveau prévu sur le modèle en plâtre. Pour restituer ou reproduire la position exacte du niveau de section, on peut s’aider d’une gouttière thermoformée en résine transparente (guide prothétique) ou d’une pâte révélatrice de type silicone placée dans l’intrados qui permettent de contrôler la réduction des dents (fig. 2a à c). En effet, les racines doivent entrer en léger contact avec l’intrados prothétique, tout en permettant sa parfaite adaptation vis à vis des tissus muqueux. Ultérieurement, les racines réduites pourront être protégées par la mise en place d’un amalgame intracanalaire ou par une chape métallique coulée.Suivi post-prothétique
La conservation de racines sous une prothèse immédiate augmente la pérennité dans le temps du traitement prothétique. Mais, ce choix impose aussi un suivi post thérapeutique régulier. En effet, l’enfoncement progressif de la prothèse ou une variation de l’occlusion peuvent entraîner l’apparition de surpression par l’intrados prothétique, qui se manifeste par une sensibilité apicale, une inflammation gingivale, voire une fêlure de la base prothétique en résine. Un contrôle des rapports occlusaux avec une équilibration est alors indispensable. En outre, un léger espacement au niveau de l’intrados peut être nécessaire.Préparation d’une prothèse immédiate supraradiculaire :
L’hygiène est aussi un facteur déterminant, car l’accumulation de plaque dentaire au niveau des racines conservées se traduit par une inflammation gingivale très nettement localisée et immédiatement suivie d’une résorption des structures osseuses. Par conséquent, cette option thérapeutique, associée à des contrôles réguliers chez le praticien et une participation du patient au maintien de l’hygiène de la prothèse, des racines et des muqueuses, représente une solution de choix dans le maintien du capital osseux de façon durable et satisfaisante.Prothèse immédiate et avulsions simples
Objectifs
Au-delà des objectifs psychologiques et fonctionnels précédemment évoqués, l’objectif principal de la prothèse complète immédiate est de préserver le tissu osseux existant. Les forces fonctionnelles exercées par l’intermédiaire de cette prothèse stimuleraient l’ostéogenèse et, par là même, préviendraient les phénomènes de résorption [8, 9]. Cette technique d’insertion qui fait appel à de simples extractions est, par ailleurs, en totale opposition avec les procédés qui font appel à des plasties osseuses.Indications – Contre-indications
Cette technique comporte de nombreuses indications d’ordre général, loco-régionale et local.
Indications générales
Ce sont des indications d’ordre psychologique et social. Ce type de prothèse est particulièrement indiqué chez les patients angoissés à l’idée de paraître édentés, chez les patients ayant une activité professionnelle qui implique un contact avec le public, en cas de traitement prothétique, en urgence avant un voyage, des vacances…Indications loco-régionales
Elles concernent les crêtes alvéolaires présentant un degré de résorption avancé.Indications locales
Elles dépendent des valeurs extrinsèques et intrinsèques des dents restantes :- valeur extrinsèque très réduite en raison de fortes malpositions dentaires, égressions, versions, vestibulopositions…
- valeur intrinsèque très faible : destructions coronaires importantes, lésion apicale non traitable, traitement endodontique impossible, mobilité terminale de la dent, rapport racine clinique
- couronne clinique très défavorable, support parodontal déficient, résorption osseuse très avancée et/ou résorptions verticales.
Les contre indications sont d’ordre général et loco-régionale.
Contre-indications générales
Elles concernent des patients dont l’état de santé constitue un risque pour toute intervention chirurgicale. La réalisation d’une prothèse complète immédiate est également contre-indiquée chez des patients non coopératifs, chez qui l’insertion immédiate de la prothèse et le suivi postthérapeutique nous semblent incertains.Contre-indications loco-régionales
Il s’agit de la présence d’un rempart alvéolaire antérieur présentant de fortes contre dépouilles, qui empêcheront l’insertion prothétique sans corrections chirurgicales.Réalisation pratique
Le premier stade de la conception d’une prothèse immédiate débute toujours, sauf exception, par l’extraction des dents postérieures. Il précède de 3 à 4 semaines la prise d’empreintes. Les étapes suivantes qui concernent les empreintes, l’enregistrement de l’occlusion et l’essai fonctionnel de la prothèse sont comparables à celles d’une prothèse complète conventionnelle. Après l’essai fonctionnel, le point essentiel réside dans la préparation du modèle issu de l’empreinte secondaire au niveau des dents devant être extraites. Pour permettre la mise en place des dents prothétiques et reproduire la perte du volume tissulaire que les avulsions vont engendrer, le modèle de travail doit être préparé. Cette approche peut se faire soit au cabinet dentaire soit au laboratoire. La mise en place des dents prothétiques au cabinet dentaire en présence du patient répond à certaines difficultés psychologiques, mais elle se réalise selon les mêmes procédures qu’au laboratoire. Dans un premier temps, un sondage parodontal complet de chacune des dents à extraire est effectué et la profondeur des poches est notée (fig. 3). Seule la profondeur des poches parodontales vestibulaires est reportée sur le modèle, figurant ainsi la diminution du volume des tissus muqueux à prévoir lors des extractions. Dans un deuxième temps, des clefs en silicone putty (Zeta-Labor® de Stabyl) enregistrent la position et la forme des dents restantes(fig. 4a et b). Le modèle est alors corrigé selon le tracé, préfigurant le niveau de la future crête. Celle-ci devra obligatoirement posséder un profil arrondi, convexe et harmonieux, sans irrégularités marquées ni cuvette. En effet, ce remodelage de la crête conditionne l’intrados prothétique et donc, indirectement, la cicatrisation muqueuse guidée par la prothèse. Si le modèle reproduit la concavité de l’entrée d’une alvéole déshabitée, une excroissance de l’intrados prothétique existera et pourra entraîner une compression du caillot, puis la persistance d’une dépression muqueuse, qui pourrait entraîner ultérieurement des problèmes algiques lors de la confection de nouvelles prothèses. Cependant, certains auteurs proposent de créer de fausses racines en résine qui entrent dans les alvéoles déshabitées. Cette technique est particulièrement adaptée aux prothèses mandibulaires, car elle augmente la stabilité prothétique(fig. 5). La prothèse immédiate étant polymérisée, la partie vestibulaire antérieure de l’extrados doit être amincie le plus possible de manière à ne pas créer un surcontour des tissus labiaux (fig. 6a et b). Les dents sont extraites et, après avoir ramené les berges muqueuses sur l’alvéole par une compression bidigitale légère et à l’aide d’une compresse, la prothèse est insérée immédiatement. Il est demandé au patient de serrer les dents quelques minutes sur deux cotons salivaires pour exercer une pression sur la prothèse alors en place. À ce stade, les éventuelles corrections occlusales sont réalisées directement dans la cavité buccale. Ce n’est qu’une semaine après que l’équilibration sur articulateur peut être envisagée. Il est impérativement demandé au patient de ne pas retirer sa prothèse avant 24 heures. Les conseils d’hygiène prescrits sont de pratiquer des bains de bouche, dents serrées, de manière à ne pas décoller la prothèse (surtout en cas de prothèse maxillaire). Le lendemain, le patient revient au cabinet dentaire où le praticien enlèvera la prothèse pour contrôler les sites d’extraction, la présence de points douloureux marqués par des rougeurs localisées et l’adaptation prothétique. Si des blessures sont apparues (généralement dans la région des bosses canines, dans le fond du vestibule antérieur…), des corrections légères sont pratiquées aux dépens de l’intrados prothétique, puis la prothèse est rapidement replacée en bouche.Suivi post prothétique
Prothèse immédiate et approche chirurgicale
Pour un certain nombre d’auteurs, la mise en place d’une prothèse complète immédiate s’associe à un remodelage chirurgical de la crête qui vient d’être édentée. L’insertion prothétique à l’aide d’un guide chirurgical constitue une méthode codifiée et souvent décrite.Objectifs
Parmi les doléances rapportées en prothèse immédiate reviennent fréquemment un sur contour vestibulaire ou un défaut d’espace prothétique antérieur. Une approche chirurgicale a été proposée pour pallier ces problèmes et améliorer, d’une part, l’esthétique par un soutien de la lèvre harmonieux et, d’autre part, la fonction, en améliorant stabilisation et rétention par des surfaces polies stabilisatrices optimisées. L’objectif est de remodeler la crête osseuse au niveau des sites d’extraction grâce à l’utilisation d’un guide chirurgical, réplique exacte de l’intrados prothétique prévu.Indications
Cette approche chirurgicale est indiquée uniquement dans le cas de patients en bonne santé, n’étant pas sujets à risque lors d’une intervention chirurgicale réalisée sous anesthésie locale présentant une crête osseuse volumineuse avec ou sans présence de contre-dépouilles (crête en balcon) qui gênerait l’insertion d’une prothèse.Réalisation pratique
fig. 11- c :
Différentes possibilités s’offrent alors pour préparer le guide chirurgical en résine transparente, qui est la réplique exacte de l’intrados prothé tique et permet un contrôle permanent de l’ostéoplastie lors de l’intervention chirurgicale. Ce guide peut être simple (plaque en résine thermoformée ou chémopolymérisable) ou complexe (comportant des dents – réplique de l’extrados et des dents prothétiques)(fig. 12a et b). Ce guide est placé dans la cavité buccale et le patient est amené en occlusion. Le praticien juge de l’adaptation de l’intrados prothétique au travers de la « prothèse transparente » ; la chirurgie pourra ainsi être parfaitement optimisée (fig. 13). La prothèse immédiate est ensuite mise en place et, de la même façon, servira de pansement et de guide de cicatrisation. La cicatrisation de la crête peut, dans les séances ultérieures, être à nouveau contrôlée à l’aide du guide chirurgical (fig. 14a et b).Suivi post prothétique
Discussion
Le suivi post prothétique est tout à fait similaire à celui de l’approche non chirurgicale de la prothèse immédiate. Quelle que soit l’approche technique, la réalisation d’une prothèse adjointe complète immédiate répond toujours à des objectifs identiques : le rétablissement des fonctions de l’appareil manducateur associé à une restauration esthétique ou à une reproduction du sourire existant. Son rôle psychologique est aussi un des facteurs déterminants de la décision thérapeutique. Mais, si ces techniques diffèrent sur le plan pratique, à long terme, les conséquences cliniques par rapport au comportement osseux et au comportement neuromusculaire leur sont propres.fig. 12
fig. 14 – .
Prothèse immédiate à recouvrement radiculaire
Prothèse immédiate avec ou sans chirurgie
Deux approches de réalisation d’une prothèse complète immédiate sans recouvrement radiculaire sont décrites. La première approche répond au souci majeur de préservation de l’intégrité tissulaire osseuse et les avulsions seront conduites sans aucune correction du tissu osseux. En revanche, la seconde approche comporte un remodelage non négligeable du versant vestibulaire de la crête antérieure pour répondre à des exigences esthétiques immédiates (profil de la lèvre supérieure…) et aux objectifs fonctionnels de la prothèse complète. Cependant, cette dernière approche chirurgicale de la prothèse immédiate reste controversée, car elle implique des phénomènes de résorption osseuse non négligeables. Cette résorption est inévitable et la classification d’Atwood (1963) définit parfaitement l’évolution du profil d’une crête osseuse édentée . L’os est en perpétuel remaniement et, après les extractions dentaires et la disparition de l’os alvéolaire, le degré de résorption dépend de facteurs locaux, mais aussi de facteurs généraux qui influent l’équilibre osseux de l’ensemble du squelette. La répartition des masses osseuses corticales ou spongieuses évolue en fonction de l’âge et du sexe, tout particulièrement chez la femme (fig. 15) . Or, l’approche chirurgicale des extractions des dernières dents possède une incidence non négligeable sur l’importance de la résorption.Sur un plan qualitatif, d’une part, Watt et Me Gregor ont observé que l’architecture des crêtes édentées n’était pas uniquement le fruit du hasard ou d’un déterminisme individuel, mais beaucoup plus le résultat de l’acte chirurgical de l’extraction . En effet, la cicatrisation osseuse est telle qu’elle rejoint les parois vestibulaire et linguale de l’alvéole déshabitée. Le rapprochement par pression bidigitale du rempart vestibulaire vers le rempart lingual ou palatin assure une cicatrisation osseuse parfaite. Par contre, en cas de fracture de la table externe, une réduction de hauteur et de largeur de la crête osseuse est inévitable . Dans le but d’évaluer l’incidence d’une intervention chirurgicale plus importante, de type alvéoloplastie, des recherches ont été conduites et toutes convergent vers une même appréciation. Wictorin pose le problème et observe, après une alvéolectomie ou une chirurgie d’importance similaire, un taux de résorption équivalant au moins au double de celui d’une extraction simple«L’étude de Michael et Barsoum confirme ces résultats et apporte des précisions quant à l’évolution du degré de résorption. En effet, pendant les deux premières semaines, la vitesse de résorption osseuse est relativement faible après des extractions accompagnées d’alvéoplasties intraseptales ou d’alvéoplasties vestibulaires comparativement à la résorption engendrée par des extractions simples. Ce n’est qu’après trois mois que ces trois techniques présentent la même incidence osseuse. Mais la résorption se poursuit plus longtemps et de manière plus intense suite aux interven» tions par alvéoplasties intraseptales ou vestibulaires (fig. 16). Cette conséquence rend, à court ou moyen terme, l’éventuelle pose d’implants difficile, voire impossible. Cette donnée nous permet d’émettre la plus grande réserve ou même de refuser une approche chirurgicale faisant appel à toute technique de plastie osseuse. À long terme, les différences entre les techniques s’estompent, comme Watt et Mac Gregor l’ont mis en évidence (fig. 17). En effet, les diminutions de volume osseux verticales et vestibulaires deviennent après 130 semaines très comparables à celle d’une crête porteuse de prothèse complète classique. Par contre, pour d’autre études, cette similitude ne s’installe qu’après 3 ans. Le phénomène de résorption inhérent à la physiologie osseuse et au port de la prothèse devient alors dominant, comme cela a été avancé et démontré par Jackson (fig. 18) . La prothèse complète immédiate reste fréquemment destinée à des patients relativement âgés pour lesquels la prise en compte de l’état général est un facteur déterminant. Ainsi, le potentiel de cicatrisation et les phénomènes de remodelage osseux varient d’un cas à l’autre. Par conséquent, l’approche chirurgicale impliquant une résorption osseuse importante à court et moyen termes représente une technique dont les indications doivent être posées soigneusement et pour laquelle le patient doit être parfaitement informé de révolution rapide de la situation.Conclusion
La prothèse immédiate est une véritable entité thérapeutique. Elle fait appel à trois méthodologies qui diffèrent non seulement quant à leurs aspects techniques, mais surtout quant à leurs indications. C’est à ce niveau que se trouve la véritable différence entre ces diverses approches. Seule la prise en compte des situations cliniques locales (position, nombre de dents), des facteurs loco-régionaux (reliefs osseux, poches parodontales) et des facteurs généraux (âge, sexe et leur corollaire, la valeur du métabolisme phosphocalcique) va conduire le praticien à privilégier une solution par rapport à l’autre, car aucune technique ne peut démontrer sa réelle supériorité par rapport à une autre. En effet, le phénomène de résorption demeure et, si des différences existent pendant les premiers mois, elles tendent à s’estomper après deux ans. Toutes les études démontrent qu’à long terme (17 ans pour Tallgren), la résorption est une réalité physiopathologique où les techniques de mise en place de la prothèse n’ont plus aucune incidence .bibliographie
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The immediate complete denture is a true clinical entity. Its realization meets numerous requirements whether physiological, aesthetical or psychological. To meet those requirements, the practitioner has three clinical approaches. The overdentures and the immediate dentures that are set up with a more or less important surgical participation. Each of these techniques has its own indications and contra-indications that the practitioner must put in parallel with the data of the clinical examination. However, the practitioner must add to this immediate approach the major problem of the short and middle-term evolution of the bone structures since the phenomenon of resorption cannot be avoided. As a matter of fact, if the overdentures delay the phenomenon, the setting-up of the denture associated with simple extractions reduces it, but the prosthetic insertion linked to an important surgical act increases the resorption. Consequently, with this reality in mind, the practitioner must reduce the indications of the bone surgery to the benefit of more conservative approaches securing the long-term maintenance of the bone capital.
Keywords: immediate complete denture, overdenture, resorption.
Berteretche MV, Hue O. La prothèse complète immédiate : une entité clinique, mais différentes approches. Cah Prothèse 1998;104:89-101.
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