La prothèse de transition en prothèse amovible complète
En prothèse amovible complète, le problème de la prothèse provisoire se pose de deux manières différentes en fonction de la situation clinique il s agit : d’une prothèse assurant le passage a l’édentement total, passage plus ou moins brutal du stade denté au stade d’édenté ; le mot clé est alors « urgence » ;
-soit d’une prothèse complète ancienne modifiée et améliorée dans l’objectif d’une réhabilitation fonctionnelle avant la mise en place d’une nouvelle prothèse d’usage. Le mot- clé devient ici « traitement ». Mais elle peut être les deux à la fois. Provisoire pour répondre à l’urgence, puis de transition pour amener les paramètres cliniques au mieux pour la prothèse d’usage à venir.
Il s’agit dans les deux cas de répondre à la demande expresse du patient qui réclame le confort (tenue, efficacité, esthétique). Le praticien, quant à lui, se doit de ne nuire ni aux organes (os, muqueuses, muscles…) ni aux fonctions de l’appareil manducateur.
Cette situation clinique peut intéresser un ou les deux maxillaires. Dans le premier cas, la prise en compte du maxillaire antagoniste est essentielle.
Prothèse provisoire et édentation totale
Les multiples indications d’extraction conduisent souvent le patient devant le passage progressif ou brutal et difficile du stade de denté partiel (parfois même complet) au stade d’édenté total (fig. 1 et 2).
La prothèse d’usage doit s’inscrire et s’intégrer dans un système biologique (appareil manducateur) le plus stable possible. Or, les patients condamnés à l’édentation totale sont souvent porteurs de pathologies acquises, induites par l’usage de prothèses ou par un édentement partiel qui est insuffisamment ou non compensé
.Plusieurs techniques ont été proposées. Celles-ci tentent toutes de favoriser ce passage en prenant en compte, plus ou moins bien, les conditions biologiques, psychologiques et sociales.
Le praticien se trouve devant l’alternative suivante :
- soit il contrôle parfaitement tous les paramètres fonctionnels et anatomiques stabilisés. Il peut alors envisager d’emblée la prothèse d’usage (fig. 3 et 4) ou appliquer par exemple la technique de la prothèse immédiate ;
- soit il doit modifier, rétablir ou préparer pour stabiliser ou fixer ces mêmes paramètres ; il doit alors passer par une prothèse de transition (d’adaptation, de réhabilitation…).
C’est la « prothèse traitement », à vocation thérapeutique, qui présente néanmoins des dangers et des effets pervers qu’il convient d’épargner au patient. Malheureusement, la démarche thérapeutique qui consiste à « bricoler » la prothèse existante pour répondre à l’urgence d’une extraction est toute autre. Précipitée, elle ne présente aucune des caractéristiques requises pour conduire convenablement le passage à l’édentation complète. Elle s’incorpore dans une situation donnée dont elle fixe les caractéristiques. Elle devrait rester exceptionnelle. Elle est pourtant la plus courante. Il s’agit le plus souvent d’une P.A.P (Prothèse Amovible Partielle) sur laquelle on rajoute la ou les dernières dents que l’on vient d’extraire avec l’indication, sinon le prétexte ou l’excuse, de rendre service au patient qui souffre ou qui part en congé.
Or, rajouter des dents, une par une, conduit à :
- figer, enregistrer et fixer la pathologie, si elle existe,
- liée à la présence de cette prothèse ou bien en créer une nouvelle ;
- augmenter l’inconfort du patient. La prothèse ainsi fabriquée extemporanément se trouve modifiée dans ses concepts mécaniques : RSS (rétention, sustentation, stabilisation) sont transformées et certainement insuffisantes. La rétention assurée plus ou moins bien par un crochet sur une dent mobile disparaît avec elle. Le confort tout relatif est brutalement rompu et non remplacé par une prothèse adaptée à la situation clinique nouvelle.
De plus, le patient qui a subi les extractions une à une finit par redouter le moment de la perte de la dernière dent : «… et quand je n ‘aurai plus de dent, ce sera encore pire ». Cela a pour effet de le mettre dans une situation psychologique défavorable ;
- obtenir une esthétique toujours approximative. Les dents n’ont pas forcément la même teinte… la fausse gencive non plus. L’adjonction de dents est toujours frustrante ; elle n’apporte qu’une esthétique illusoire au patient (fig. 5 à 7) ;
- créer des situations non fonctionnelles, car ces adjonctions ne peuvent plus être en accord avec la conception d’origine de la prothèse existante. L’extraction d’une dernière molaire, par exemple, transforme totalement la nature des rapports occlusaux avec l’arcade antagoniste et donc la nature du RI M (rapport intermaxillaire) quand l’édentation totale ne concerne qu’une seule arcade ;
- entraîner des résorptions alvéolaires extrêmes par la conservation obstinée et non justifiée de dents mobiles (ce que l’on peut assimiler à un surtraitement) et engendrer de véritables cas de difficulté critique au moment de l’édentation totale. Ces prothèses sont en effet toujours celles du dernier moment, celles utilisées pour repousser l’échéance ;
- provoquer des modifications du RIM. Bien souvent, ces prothèses existantes ne sont plus garantes duRIM et provoquent des pathologies occluso-articulaires parfois irréversibles compliquant le traitement de l’édentation totale future dans ses phases d’élaboration et d’adaptation. L’arcade antagoniste n’est souvent pas adaptée à la sustentation de la prothèse complète, ne répondant pas aux impératifs mécaniques de sustentation et de stabilisation (fig. 8 et 9) ;
- fabriquer des prothèses sous-étendues,La sustentation non plus n’est pas assurée, des résorptions rapides des crêtes s’installent hypothéquant le pronostic du cas. Elles peuvent néanmoins rendre service et faire l’objet de constructions pathétiques à partir d’empreintes succinctes et de démarches cliniques plus ou moins étudiées devant l’urgence de la pathologie.
Premier cas clinique (fig. 10 à 24) :
Cette prothèse est un véritable moyen thérapeutique pour maintenir les éléments biologiques cliniques présents quand ils sont jugés corrects et pour modifier ceux qui entraînent une pathologie fonctionnelle. Elle a pour objectif d’assurer la transition d’un état pathologique à un état fonctionnel. Deux paramètres doivent essentiellement être respectés dans cette démarche : sustentation et occlusion. La sustentation des bases, associée à l’occlusion des dents artificielles, assure le maintien et l’efficacité du rapport intermaxillaire nécessaire à l’équilibre biomécanique du système prothétique. Si elle est provisoire dans le temps, la prothèse de transition est conçue dans une optique évolutive et doit pouvoir être modifiée aisément.
L’aspect médicolégal de ces traitements ne doit pas être négligé aujourd’hui et un patient peut exiger de revenir à son état initial. Il est prudent d’effectuer les modifications sur une réplique de la prothèse existante. Elles vont permettre de maintenir ou d’établir :- le rapport intermaxillaire stable et fonctionnel autorisant, si nécessaire.
Deuxième cas clinique (fig. 25 à 32) : Mme C. Prothèse de réhabilitation fonctionnelle.
une rééducation neuromusculaire et articulaire ;
- la fonction de mastication par la création de parafonctions stables et efficaces (fourchette d’adaptation à un outil qui se substitue aux organes disparus) ;
- le recouvrement de la surface d’appui, c’est à dire établir une adéquation entre surface d’appui maximale (en quantité et qualité) et fonction des organes paraprothétiques. Une sustentation adaptée assure le maintien de l’intégrité ostéomuqueuse de la surface d’appui, mais aussi une rétention et une stabilité des bases au service de l’efficacité des prothèses d’usage ;
- le futur volume prothétique et le confort s’y rattachant, préparant ainsi psychologiquement le patient à son édentement. L’édentation totale du maxillaire est beaucoup plus fréquente que celle de la mandibule et le pouvoir émotionnel des dents antéro-supérieures est le plus important ;
- l’aspect esthétique du patient. Elle l’autorise à tester son futur aspect auprès de son entourage.
Conclusion
Rendre service au patient n’est pas uniquement répondre et accéder à sa demande immédiate. C’est préparer et prévoir la prothèse d’usage la mieux adaptée à son cas. Les prothèses sont des corps étrangers dont l’effet iatrogène ne doit jamais être négligé. Censées rendre service, il serait absurde qu’elles soient responsables de pathologies ajoutées.
bibliographie
- Bégin, M. Conséquences des erreurs dans l’évaluation de la dimension verticale en prothèse totale. Inform Dent 1982;34:3249-3254.
- Berteretche MV, Taddéi C. Analyse de l’interface mucoprothétique. Apports cliniques et pédagogiques des matériaux révélateurs. Cah Prothèse 1996;95:95-103.
- Compagnon D, Veyrune JL, Morenas M. Efficacité masticatoire. Intérêt des matériaux polymères souples dans l’élaboration d’un bol alimentaire synthétique. Cah Prothèse 1996;94:65-74.
- Hamel L, Mariani P, MauroyC. Prothèse complète : insertion, conseils, soins ultérieurs. Paris : Éditions techniques. Encycl Med Chir Odontologie, G-15, 23325,1990.
- Hue O, Levadoux AM. Les corrections occlusales en prothèse amovible totale. Clin Dent Fr 1989;477:41-48.
- Hue O. L’occlusion : aspects anatomiques, aspects neurophysiologiques. Cah Prothèse 1997; 100: 65-76.
- Mariani P, Hamel L. Essais, contrôles et retouches : corrections occlusales par meulages des prothèses amovibles complètes. Paris : Éditions techniques, Encycl Med Chir Odontologie, G-10, 23325, 1989.
- Martin JP. Les contrôles d’occlusion en prothèse complète. Ouest Odonto Stomatol 1984;33: 33-37.
- Pompignoli M, Doukhan JY, Raux D. Prothèse complète. Tome 1. Paris : Éditions CdP, 1992.
- Pompignoli M, Doukhan JY, Raux D. Prothèse complète. Tome 2. Paris : Éditions CdP, 1997.
- Pompignoli M. Doléances de l’édenté total appareillé. Réalités Cliniques 1997;8(4):461-478.
- Postaire M, Daas M, Naser B. Réfection intégrale des bases prothétiques complètes. Empreinte de réadaptation extemporanée. Clinique et laboratoire. Cah Prothèse 1998; 101:39-44.
- Tschernitschek H, Strempel J. Étude de l’espace libre en prothèse complète. Cah Prothèse 1996;93:85-88.
RÉSUMÉ:
Les multiples indications d’extraction conduisent souvent le patient devant le passage progressif ou brutal et délicat du stade de denté partiel (parfois même complet) au stade d’édenté total. Or, les patients condamnés à Indentation totale sont souvent porteurs de pathologies acquises, induites par l’usage de prothèses ou par un édentement partiel insuffisamment ou non compensé. La mise en œuvre de prothèses de transition permet au praticien de stabiliser la situation clinique dans l’optique de la fabrication de la prothèse d’usage.
Mots-clés:
édentation totale, prothèse, rééducation fonctionnelle.
SUMMARY Transitional denture in full removable denture
In full removable denture, there are two clinical situations which neccessitate a provisional denture: – to ensure the transition to full teeth missing; – for a functional restoration before installing the new usable prosthesis. It can be both of them: provisional to meet the emergency and then transitional to capitalize on the clinical parameters for the future usable prosthesis. That clinical situation can concern one or both maxillae. In the former case, it is essential to take into account the antagonist maxilla. Two clinical cases meant to illustrate those two situations are described. The former is an indication of the extraction of all the teeth from the maxillary arch. The mandible is not stabilized and necessitates to go through a provisional prosthesis installed on the day of the extractions. The treatment of the antagonist arch is then guided by mechanical constraints of the full denture. An usual prosthesis is finally elaborated in a stabilized clinical context. The latter case shows the use of a former usual prosthesis which is modified in order to get back to a vertical dimension of functional occlusion and a satisfying prosthetic volume.
Keywords:
full teeth missing, functional rehabilitation, prosthesis.
0 commentaires